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L’article 60 du code des douanes dispose qu’« en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes » se trouvant sur la voie publique. Ce droit de visite général n’est soumis à aucune obligation de motivation. De plus, s’il n’est effectif que sur la voie publique aucune autre limitation spatiale ou temporelle ne permet de le rationaliser. Plus surprenant encore, cette prérogative des agents douaniers n’a connu aucune modification depuis son instauration par un décret du 8 décembre 1948.
C’est dans ce cadre juridique que monsieur Mounir S. est contrôlé par le service des douanes le 10 février 2022. Lors du contrôle, il est constaté qu’il dissimule à l’arrière de son véhicule la somme de 47 000 euros. À la suite de son assignation devant le tribunal judiciaire de Bourges pour blanchiment, l’intéressé soulève une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 60 du code des douanes. Par un arrêt du 22 juin 2022, la Cour de cassation renvoie la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Le requérant affirme que les dispositions précitées méconnaissent la liberté individuelle, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée ainsi que les droits de la défense. En effet, les agents des douanes disposent sur ce fondement d’un pouvoir discrétionnaire faiblement encadré dans un domaine portant directement atteinte à certaines libertés fondamentales garanties par la Constitution.
Dans sa décision du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre la protection de l’ordre public d’une part et l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis d’autre part. En l’espèce le législateur poursuit un objectif de recherche des auteurs d’infractions. Cet objectif doit être concilié avec les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui sont garants de la liberté d’aller et de venir ainsi que du respect de la vie privée. Afin de statuer sur le respect de ces droits, le Conseil constitutionnel ne s’intéresse pas uniquement à la lettre de l’article 60 mais également à sa mise en œuvre.
Aussi la jurisprudence de la Cour de cassation encadre la mise en œuvre du droit de visite des agents des douanes de certaines garanties. Dans ces conditions, le Conseil constate que les dispositions de l’article 60 telles qu’appliquées permettent à tout agent des douanes de procéder, en toutes circonstances, à une opération de contrôle sur l’intégralité du territoire douanier et à l’encontre de toute personne circulant sur la voie publique. Les juges en concluent que le cadre applicable à la conduite de ces opérations est insuffisant et ne permet pas une juste conciliation entre l’objectif poursuivi et la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée.
L’article 60 du code des douanes est donc déclaré contraire à la Constitution. Dans un souci de sécurité juridique, le Conseil reporte néanmoins les effets de sa décision au 1er septembre 2023. Le législateur devra donc, pour la première fois, réviser ces dispositions.
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