Crim. 16 février 2022, n° 21-87.007 

Cet arrêt est important pour deux raisons. Premièrement, parce qu’il précise les règles procédurales applicables au mineur.

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Deuxièmement, parce qu’il apporte des éclaircissements sur les modalités d’application d’un nouveau texte : le code de la justice pénale des mineurs.Précisément, cet arrêt souligne que l’article L. 334-3 du code de la justice pénale des mineurs, faisant obligation au juge qui ordonne le placement en détention provisoire d’un mineur de prononcer une mesure éducative judiciaire provisoire, afin de permettre une intervention immédiate des services éducatifs auprès du mineur, pendant son incarcération, pour préparer sa sortie, n’empêche pas que cette décision fasse l’objet d’une ordonnance distincte de celle qui prescrit le placement en détention. 

Il s’agissait, en l’espèce, d’un mineur ayant fait l’objet d’une incarcération provisoire. Dans cette procédure, deux ordonnances distinctes avaient été rendues par le juge des libertés et de la détention : la première était relative au placement en détention provisoire du mineur ; la seconde concernait la mise en place, à son égard, d’une mesure éducative judiciaire provisoire. Ce cumul n’a rien de surprenant, le code de justice pénale des mineurs prévoyant la possibilité de combiner la détention provisoire avec une mesure éducative judiciaire provisoire. Cette faculté est d’ailleurs particulièrement bienvenue, ledit code permettant en son article L. 11-3 la combinaison entre les mesures éducatives et les peines. 

Dans son pourvoi, l’intéressé reproche cependant aux juges du fond d’avoir confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant son placement en détention provisoire et décidant d’ordonner par décision séparée une mesure éducative judiciaire provisoire. Il considère que l’article L. 334-3 du code de la justice pénale des mineurs a été violé. Selon ce texte, lorsque le mineur est placé en détention provisoire, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le juge des libertés et de la détention prononce une mesure éducative judiciaire provisoire. Le requérant affirme en effet que la mesure éducative judiciaire provisoire aurait dû être ordonnée dans la décision de placement en détention provisoire. Ce faisant, la chambre de l’instruction ne pouvait pas, selon lui, confirmer l’ordonnance de placement en détention provisoire et ordonner par décision séparée une mesure éducative. 

La chambre criminelle rejette son pourvoi et en profite pour rappeler deux évidences.  Premièrement, aucun texte n’empêche que la décision relative à la mise en place d’une mesure éducative judiciaire provisoire fasse l’objet d’une ordonnance distincte de celle qui prescrit le placement en détention provisoire. Deuxièmement – et dans le même sens –, aucune disposition n’impose que l’arrêt de la chambre de l’instruction vise la décision prononçant une mesure éducative judiciaire provisoire. 

Ainsi, la chambre criminelle opère une lecture stricte de l’article L. 334-3 du code de la justice pénale des mineurs. Il faut s’en féliciter du point de vue de la logique juridique, et ce d’autant plus que ce texte a déjà fait l’objet d’une modification par la loi de ratification du 26 février 2021. Initialement, le texte comptait un second alinéa qui manquait de clarté et qui a été supprimé, selon lequel, « lorsque le mineur ayant fait l’objet d’un placement en détention provisoire est remis en liberté au cours de la procédure, il fait l’objet, en vue de sa libération, d’une mesure éducative judiciaire provisoire ». En l’espèce, la chambre criminelle affirme que ce texte faisant obligation au juge qui ordonne le placement en détention provisoire d’un mineur de prononcer une mesure éducative judiciaire provisoire, afin de permettre une intervention immédiate des services éducatifs auprès du mineur, pendant son incarcération, pour préparer sa sortie, n’empêche pas que cette décision fasse l’objet d’une ordonnance distincte de celle qui prescrit le placement en détention, et n’impose pas que l’arrêt de la chambre de l’instruction, saisie de l’appel formé contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, vise la décision prononçant une mesure éducative judiciaire provisoire. 

Ainsi, cet arrêt rappelle que l’objectif du code de la justice pénale des mineurs est prioritairement éducatif. Il est en effet clair, en application de l’article L. 11-2 dudit code, que les décisions prises à l’égard des mineurs visent à leur relèvement éducatif et moral, à la prévention de la récidive et à la protection de l’intérêt des victimes. C’est précisément pour cette raison que les mineurs déclarés coupables peuvent faire l’objet de mesures éducatives (avertissement judiciaire et mesure éducative judiciaire) et, seulement si leur personnalité et les circonstances l’exigent, faire l’objet de peines (CJPM, art. L. 11-3). Toutefois, cet objectif doit se combiner avec les règles classiques et bien connues d’interprétation des textes. Or aucune disposition du code de la justice pénale des mineurs n’empêche que la décision relative à la mise en place d’une mesure éducative judiciaire provisoire fasse l’objet d’une ordonnance distincte de celle qui prescrit le placement en détention provisoire. Ce faisant, c’est à bon droit, en application du principe de l’interprétation stricte des textes, que la chambre criminelle a rejeté le pourvoi.

 

Crim. 16 février 2022, n° 21-82.643 

Toujours au sujet de la procédure applicable aux mineurs, cet arrêt rappelle les conditions dans lesquelles la cour d’assises peut être compétente en cas d’accusés majeurs et mineurs. En effet, l’appel de l’arrêt pénal de la cour d’assises des mineurs doit être porté devant la cour d’assises de droit commun, lorsque, par l’effet des appels, seuls restent à juger des accusés majeurs à la date des faits. 

Dans cet arrêt, deux individus ont pénétré par effraction au domicile d’un couple qui a été victime d’agression, de séquestration et de vol avec arme. Les auteurs ont été interpellés. Parmi eux, l’un était majeur au moment des faits et l’autre était, à le même date, mineur âgé de plus de 16 ans. Mis en accusation devant la cour d’assises des mineurs, les intéressés ont été déclarés coupables. L’individu majeur au moment des faits a seul relevé appel des arrêts pénal et civil. Il avait initialement été renvoyé devant la cour d’assises des mineurs du fait de la minorité de l’un des autres accusés. Toutefois, pour statuer sur son appel, le premier président de la cour d’appel a désigné la cour d’assises de droit commun. Dans son pourvoi en cassation il soulève une violation des articles 20 et 24 de l’ordonnance du 2 février 1945, 380-1 et 380-14, 231 du code de procédure pénale. Il reproche en effet aux juges du fond de l’avoir renvoyé devant la cour d’assises alors que, selon lui, l’ordonnance de mise en accusation est attributive de juridiction. Ce faisant, l’appel de la décision rendue par une cour d’assises des mineurs aurait dû être jugé par une autre cour d’assises des mineurs.  

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d’assises désignée pour statuer en appel de ne pas avoir décliné sa compétence. 

Deux arguments sont invoqués pour motiver ce choix. Premièrement, la compétence de la cour d’assises des mineurs, édictée dans le seul intérêt des mineurs, doit être exceptionnelle. Deuxièmement, en cas d’appel d’un arrêt de la cour d’assises des mineurs émanant d’un seul accusé majeur, la compétence de la cour d’assises de droit commun désignée comme juridiction d’appel participe de l’objectif de valeur constitutionnelle d’une bonne administration de la justice en ce qu’elle n’induit pas les mêmes contraintes d’organisation des débats. Ce faisant, cet arrêt est l’occasion de rappeler que l’appel de l’arrêt pénal de la cour d’assises des mineurs doit être porté devant la cour d’assises de droit commun, lorsque, par l’effet des appels, seuls restent à juger des accusés majeurs à la date des faits. 

Il s’agit d’une solution connue. La jurisprudence a en effet depuis plusieurs années posé le principe selon lequel si l’accusé majeur jugé par la cour d’assises des mineurs en même temps qu’un mineur coaccusé, est le seul appelant, il est alors jugé en appel par la cour d’assises d’appel des majeurs (Crim. 15 févr. 2001, n° 01-80.751). Cet arrêt classique est ainsi l’occasion de rappeler les dispositions particulières relatives à la compétence et à l’organisation générale de la cour d’assises en cas d’accusés mineurs et majeurs. En effet, la compétence de la cour d’assises des mineurs est exclusive, même en cas de pluralité d’accusés majeurs et mineurs, ces derniers ne pouvant en aucun cas être jugés par la cour d’assises des majeurs. Dans ce cas, le juge d’instruction peut, comme c’était le cas en l’espèce, renvoyer tous les accusés âgés de seize ans au moins, parmi lesquels les majeurs, devant la cour d’assises des mineurs. Il peut également préférer disjoindre les poursuites concernant les majeurs et les renvoyer eux seuls devant la cour d’assises de droit commun. En cas de renvoi de tous les accusés, mineurs et majeurs devant la cour d’assises des mineurs, celle-ci reste compétente pour juger les majeurs en cas d’absence des mineurs à l’audience (Crim. 4 juill. 1989, n° 88-86.649). Par contre, si le même auteur a commis des faits alors qu’il était mineur, puis après sa majorité, la cour d’assises des mineurs ne peut connaître que des faits commis durant la minorité (Crim. 25 oct. 2000, n° 99-85.208), sauf si le crime commis après seize ans forme avec les faits commis antérieurement un ensemble connexe ou indivisible et que le juge d’instruction décide de les renvoyer devant la cour d’assises des mineurs, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

 

Crim. 23 février 2022, n° 21-82.588 

Cet arrêt est à retenir car il se prononce sur question pratique importante : les modalités de saisie en cas de nouvelle saisie consécutive à l’annulation d’une première saisie. En effet, dans cette hypothèse, en application de l’article 174 du code de procédure pénale, le juge qui constate l’annulation d’une saisie et, partant, l’inexistence de tout titre permettant de conserver le bien concerné sous main de justice, est tenu au préalable de restituer celui-ci avant de procéder, le cas échéant, à une nouvelle saisie. 

En l’espèce, entre 2013 et 2015, de nombreux fossiles en provenance du Brésil étaient découverts dans des fûts destinés à une société ayant notamment pour objet social la production de spectacles de théâtre. Une information était ouverte des chefs d’association de malfaiteurs, détention de trésor national et de bien culturel sans document justificatif régulier, importation en bande organisée sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée et recel. L’instruction était ensuite étendue à des faits de détention sans justification d’origine de marchandises prohibées, recel et vols aggravés. Les mis en examen sollicitaient l’annulation de leurs mises en examen pour absence de texte fondant les poursuites, ainsi que du rapport d’expertise, des opérations d’ouverture des scellés, de la traduction du rapport d’enquête de police brésilienne, et de tous les actes subséquents. Par arrêt du 12 septembre 2018 la chambre criminelle cassait l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant fait droit partiellement à leurs demandes. La chambre de l’instruction de renvoi prononçait l’annulation partielle des saisies. Le 25 juillet 2019 le juge d’instruction rendait une ordonnance constatant notamment l’invalidation des saisies. 

Les mis en examen formaient ensuite un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant confirmé l’ordonnance de saisie et de refus de restitution de biens saisis rendue par le juge d’instruction. Les requérants avançaient qu’en exécution de la décision d’annulation prononcée par la cour d’appel et qui revêtait un caractère exécutoire la restitution s’imposait. En ne faisant pas droit aux demandes de restitution, la chambre de l’instruction aurait, selon eux, méconnu le droit au respect des biens et le droit au recours effectif, dès lors qu’elle s’est opposée à ce que les propriétaires des biens soient replacés dans l’état où ils se trouvaient avant les perquisitions jugées irrégulières et frappées d’annulation. En outre, ils observaient qu’il résulte des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale que des biens meubles, sauf dans le cas où ils sont saisis pour garantir une confiscation générale de patrimoine, ne sont pas susceptibles d’être saisis par voie d’ordonnance. Ce faisant, en prononçant la saisie de documents et de fossiles considérés comme étant l’instrument ou l’objet des infractions poursuivies, le juge d’instruction avait, à leurs yeux, commis un excès de pouvoir, étant précisé qu’il n’avait d’ailleurs pas consulté le parquet avant de rendre son ordonnance. 

Au visa des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 174 et 570 du code de procédure pénale, la chambre criminelle procède à plusieurs rappels utiles qui lui permettent de rendre un arrêt de cassation. Elle énonce d’abord que lorsque la chambre de l’instruction, saisie en application de l’article 171 du code de procédure pénale, annule des actes de la procédure, son arrêt devient exécutoire en l’absence de tout pourvoi formé à l’issue du délai prévu à cet effet. Ensuite, elle rappelle que le juge est tenu de tirer les conséquences d’une décision judiciaire exécutoire et définitive. Enfin, elle en déduit que le juge qui constate l’annulation d’une saisie et, partant, l’inexistence de tout titre permettant de conserver le bien concerné sous main de justice, est tenu au préalable de restituer celui-ci avant de procéder, le cas échéant, à une nouvelle saisie. En l’espèce, les hauts magistrats reprochent donc à la chambre de l’instruction de ne pas avoir ordonné d’office la restitution des biens concernés aux demandeurs 

La chambre criminelle poursuit son analyse en visant l’article 174, alinéa 3, du code de procédure pénale. Selon cet article, les actes annulés sont retirés du dossier d’information et il est interdit d’y puiser aucun renseignement contre les parties au débat ; cette interdiction doit s’étendre à tout procédé ou artifice qui serait de nature à reconstituer, au mépris de ce texte, la substance des actes annulés. En l’espèce, après avoir confirmé l’ordonnance de refus de restitution rendue par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction n’a pas modifié les numéros de scellés enregistrés lors de la saisie ayant fait l’objet de l’annulation, ce qui, pour la chambre criminelle, revient à maintenir la saisie initiale. 

Ce choix est logique. En effet, il est vrai que rien ne s’oppose à ce qu’un juge d’instruction poursuive son information à partir des éléments qui subsistent, dès lors que les nouveaux actes ne se réfèrent en aucune façon à ceux qui ont été annulés (Crim. 8 déc. 1998, n° 98-85.683). Toutefois, selon une jurisprudence ancienne qui a largement inspiré l’arrêt rapporté, les actes annulés doivent être retirés du dossier et il est interdit d’y puiser des renseignements contre les parties au débat. Cette interdiction doit s’étendre à tout procédé ou artifice qui serait de nature à reconstituer la substance des actes annulés (Crim. 30 juin 1981, n° 81-92.261 ; 23 janv. 1990, n° 89-85.607). La jurisprudence a d’ailleurs récemment indiqué que les dispositions qui interdisent de faire référence aux actes annulés ne suffisent pas à garantir que les décisions d’annulation seront respectées lors des débats devant la cour d’assises, le retrait et la cancellation des actes annulés devant être effectifs (Crim. 17 juin 2020, n° 19-87.188). La position de la chambre criminelle dans l’arrêt rapporté est ainsi l’occasion de réaffirmer que les pièces annulées doivent être retirées du dossier de l’information et qu’il est interdit d’y puiser aucun renseignement contre les parties, cette interdiction devant s’étendre à tout procédé ou artifices qui seraient de nature à reconstituer, au mépris des droits de la défense, la substance des actes annulés (Crim. 16 janv. 2002, n° 01-81.054). Ce faisant, la haute juridiction ordonne la restitution des biens dont la saisie a été annulée. Le message est donc clair : encourt la cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction qui confirme l’ordonnance du juge d’instruction prescrivant la saisie pénale de biens meubles corporels dont la saisie initiale a été annulée par un arrêt précédent et refusant la restitution desdits biens. 

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