[moyens de preuve ; vidéo-surveillance ; procédure pénale]

Rappel

Par un arrêt du 15 novembre 2022, pourvoi n°22-80.097, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les demandes d’annulation d’actes de procédure accomplis dans le cadre d’un procès pénal.

En l’espèce, Monsieur L. a été mis en examen et placé en détention provisoire en octobre 2020 pour son implication dans un trafic de cannabis entre l’Espagne et la France. En vue de la surveillance d’éventuelles infractions, le juge d’instruction avait autorisé pour une durée limitée la captation d’images par voie aérienne de la propriété du prévenu. En effet, l’article 706-96 du Code de procédure pénale prévoit qu’« il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans leur consentement, notamment la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ».

En avril 2021, l’avocat du prévenu saisit la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux d’une requête en nullité d’actes de la procédure, laquelle a partiellement fait droit à la requête et a rejeté le surplus. Un pourvoi en cassation est formé.

Selon le demandeur au pourvoi, les juges du fond ont notamment méconnu les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et l’article 706-96 du Code de procédure pénale en ce « qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée qu’autant que celle-ci est prévue par la loi et nécessaire ». En effet, le demandeur indique que le dispositif mobile de captation d’images par drone utilisé dans le procès méconnait les dispositions susvisées, puisque seules les dispositions fixes seraient autorisées par le Code de procédure pénal.

Décision

Pour rejeter la requête en annulation des opérations de captation d’images, la cour d’appel indique que l’article 706-96 du Code de procédure pénale ne fait pas de distinction selon que le dispositif de captation d’images est fixe ou mobile, et que les textes applicables à ce procédé le soumette au contrôle d’un magistrat du siège « qui doit s’assurer […] que sa mise en œuvre est nécessaire à la manifestation de la vérité et proportionnée, qui ne peut autoriser son emploi que pour une durée limitée, dispose de l’accès au dossier pendant l’enquête et doit être tenu informé du déroulement de celle-ci pour pouvoir mettre un terme à la mesure à tout moment ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi. La chambre criminelle rappelle d’abord que « La captation, la fixation, la transmission, l’enregistrement et le stockage d’images prises au domicile d’une personne, sans le consentement de cette dernière, constituent une ingérence active dans les droits ci-dessus, qui ne peut être admise qu’à la condition d’avoir une base légale suffisante, et de poursuivre un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée ». Elle indique ensuite que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêt du 8 mai 2018, Ben Faiza c. France, n° 31446/12) « n’exige pas qu’une loi, pour être prévisible, décline toutes les situations qu’elle a vocation à encadrer, compte tenu du caractère général inhérent à toute règle normative ».

Dans cet arrêt du 15 novembre 2022, la Cour de cassation applique la méthodologie devenue classique de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ainsi, on retrouve au point 14 de l’arrêt l’application du test de nécessité et de proportionnalité adulé par la Cour : « Il se déduit de ce qui précède que la législation interne est suffisamment claire, prévisible et accessible et que l’ingérence qu’elle consacre dans le droit à la protection du domicile et de la vie privée et familiale poursuit, dans une société démocratique, un but légitime à la réalisation duquel elle est nécessaire et proportionnée ».

Mahau FRENKENBERG

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