[droit de la preuve ; surveillance des salariés ; contrôle de proportionnalité]

Dans un arrêt publié du 14 février 2024, pourvoi n° 22-23.073, la Cour de cassation approuve à nouveau l’usage d’un moyen de preuve illicite dans le cas où il est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionné au but poursuivi.

En l’espèce, une caissière a été licenciée pour faute grave en 2016. Elle saisit alors la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir le paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, en appel, la demanderesse est déboutée de l’ensemble de ses demandes.

La demanderesse forme alors un pourvoi en cassation, faisant grief à la Cour d’appel de constater que son licenciement a été valablement prononcé pour faute grave. En effet, la demanderesse relève que le système de vidéosurveillance mis en place par son employeur constitue un dispositif de contrôle et de surveillance des salariés qui n’a pas été porté préalablement à leur connaissance. Dès lors, selon la demanderesse, les preuves obtenues par ce biais sont illicites.

Alors que la Cour de cassation admet que les preuves obtenues par un système de vidéosurveillance des salariés sont illicites, la Cour rejette le pourvoi au visa des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du Code de procédure civile.

La Cour de cassation rappelle que « dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Particulièrement, dans le cadre d’un litige entre un salarié et son employeur, « le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi ».

Ainsi, en cas de vols au sein de l’entreprise, la Cour de cassation admet qu’un employeur puisse établir la preuve de la commission des vols en produisant des enregistrements issus de la vidéo protection, à condition que le visionnage des enregistrements soit « limité dans le temps » et que ces enregistrements soient « indispensables[s] à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionné[s] au but poursuivi ».

Synthèse :

La production de preuves illicites issues d’un système de vidéosurveillance est recevable dans le cadre d’un litige entre un employeur et son salarié lorsque :

  • Il existe des raisons concrètes qui justifient le recours à la vidéosurveillance du salarié ;
  • Aucun autre moyen de preuve plus respectueux de la vie personnelle du salarié n’est envisageable ; et
  • L’atteinte à la vie personnelle du salarié est proportionnée au regard du but poursuivi.

 

Mahau FRENKENBERG

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