[Vie privée ; Conception post mortem ; CEDH]

Dans cette affaire, deux requérantes françaises dont le conjoint est décédé demandent l’export vers l’Espagne de paillettes ou d’embryons afin de bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Si l’insémination post mortem est licite en Espagne, elle ne l’est pas en France. Au regard de cette illicéité, le Centre d’Étude et de Conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) et l’Agence de biomédecine se sont opposés aux demandes d’exportation.

Le juge administratif ayant confirmé ces décisions de rejet, les requérantes ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). À l’appui de leur recours elles invoquent une atteinte au droit à la vie privée1. Dans sa décision, la CEDH revient sur la jurisprudence française en la matière (1) et s’abstient de se prononcer sur le fond (2).

 

1. Le cadre juridique français concernant la procréation post mortem

Depuis l’origine de la législation bioéthique en 1994 jusqu’à la loi n. 2021-1017 relative à la bioéthique entrée en vigueur le 4 août 2021, la procréation post mortem a toujours été interdite. Pour des raisons éthiques, tel que le potentiel récit identitaire de l’enfant marqué par le deuil, ou juridique, avec les débats relatifs au statut de l’embryon, la législation française maintient donc de manière constante cette interdiction.

La jurisprudence se montre toutefois compréhensive dans le cadre d’une demande d’exportation des gamètes ou embryons vers un État où cette pratique est légale. Dans la décision d’assemblée Mme Gonzalez Gomez du 31 mai 2016, le Conseil d’État autorise l’exportation de gamètes d’un homme décédé vers l’Espagne. La femme du défunt étant espagnole, un refus aurait porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Cependant, cette jurisprudence ne s’applique pas dès lors que la requérante est de nationalité française.

 

2. La réaffirmation de l’autonomie des États en matière de procréation post mortem

La France, l’Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l’Italie et le Portugal posent une interdiction stricte d’insémination post mortem. La République tchèque ne l’autorise qu’à l’étranger et sous certaines conditions. Enfin la Belgique, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, La Lettonie et les Pays Bas l’autorisent sous des modalités variables.

Au regard de l’absence de consensus européen en la matière, la CEDH affirme que les États disposent d’une large marge d’appréciation. Le cadre juridique mis en place doit simplement être cohérent. Sans aller jusqu’à conclure à la violation de l’art. 8 par la France, la CEDH, par le biais d’un obiter dictum, invite tout de même la France à réfléchir à la cohérence de son système, en particulier sur la question de l’articulation entre d’une part l’interdiction de l’insémination post-mortem et d’autre part l’ouverture, par la loi du 2 août 2021, de l’assistance à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules non mariées.

Conclusion : Dans sa décision Baret et Caballero c. France du 14 septembre 2023, la CEDH affirme que le refus d’exporter les gamètes/embryons d’un défunt afin de réaliser une insémination post mortem ne viole pas l’article 8 de la Convention. Elle invite toutefois la France à mener une réflexion sur la cohérence de sa législation, en particulier sur la question de l’articulation entre d’une part l’interdiction de l’insémination post-mortem et d’autre part l’ouverture, par la loi du 2 août 2021, de l’assistance à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules non mariées.

1 Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

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