(Réforme des retraites ; loi de financement rectificative de la sécurité sociale)

Par une décision du 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la constitution de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale à l’origine de la réforme des retraites. Prenant acte des circonstances sociales dans lesquelles cette décision s’inscrit, le Conseil a pris soin de motiver sa décision qui compte 120 paragraphes. La saisine du conseil portait tant sur des éléments de fond que de forme. Nous concentrerons notre analyse sur les éléments de la décision s’intéressant aux questions formelles.

En premier lieu, les parlementaires et sénateurs requérants invoquaient l’incohérence de l’utilisation d’une loi de financement de la sécurité sociale comme support de la réforme des retraites. Selon ces derniers, ce recours aurait été instrumentalisé par le gouvernement afin de bénéficier des conditions d’examen accéléré prévues par l’article 47-1 de la Constitution. Ce contournement de la procédure législative ordinaire dans le seul but d’accélérer la procédure d’examen constituerait un détournement de procédure.

Aux termes des articles 34 et 47-1 de la Constitution ainsi que des dispositions organiques en précisant le contenu, il s’avère que les dispositions en cause auraient pu figurer tant dans une loi de financement de la sécurité sociale que dans une loi ordinaire. Quant au choix du gouvernement de recourir à la première catégorie, il n’est soumis à aucune exigence constitutionnelle. Après s’être assuré que les dispositions en cause relèvent bien d’une des catégories relevant des lois de financement de la sécurité sociale, le Conseil écarte le grief tiré d’un détournement de procédure. Refusant de substituer son appréciation à celle du législateur, il réaffirme ce faisant sa fonction de contrôle de la conformité des lois à la Constitution et non de colégislateur.

Les parlementaires soutenaient en sus que la procédure d’examen accéléré prévue à l’article 47-1 de la Constitution n’était pas applicable à une loi de financement rectificative. De plus, l’usage de cet article ne serait conforme à la Constitution que si l’urgence de corriger un risque de déséquilibre des comptes de la sécurité sociale le justifie. S’appuyant sur la Constitution et le code de la sécurité sociale, les juges affirment l’applicabilité de la procédure aux lois de finances rectificatives. Ils rejettent également l’interprétation faite par les parlementaires : l’urgence n’est pas une condition de mise en œuvre de cette procédure.

Enfin les requérants affirmaient que l’utilisation cumulative de procédures limitant le débat parlementaire avait entaché d’irrégularité la procédure législative en portant atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Après avoir examiné chacune des procédures mises en œuvre et au regard des conditions particulières du débat le Conseil déclare qu’il n’y a pas d’atteinte aux principes de clarté et de sincérité. Malgré le caractère inhabituel de la

combinaison de ces différentes procédures, la procédure législative ayant permis l’adoption de cette loi n’est pas contraire à la Constitution.

Si pour Dominique Rousseau il semblait « difficile (…) que le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi sur la réforme des retraites tant les motifs d’inconstitutionnalité pour des raisons de forme sont sérieux », les juges s’en sont tenus à un contrôle classique, si ce n’est timide, de la loi en cause.

Ines GANDILLET

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