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[liberté d’expression ; actions militantes ; infractions pénales
Dans deux arrêts rendus séparément par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 29 mars 2023 (pourvois n°22-83.911 et n°22-83.458), la Haute juridiction a eu à se prononcer sur l’incrimination de comportements constitutifs d’une infraction pénale.
Dans la première affaire (pourvoi n°22-83.911), des militants écologistes ont, à deux reprises, fait irruption dans des magasins de jardinage où ils ont disposé des produits contenant du glyphosate sur une bâche, avant de les enduire de peinture, tout en expliquant que « leurs actions visaient à alerter sur les dangers du glyphosate, contenu dans ces produits, lesquels étaient selon eux en vente dans des conditions contraires à la réglementation ». Les militants ont fait l’objet d’une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef de destruction, dégradation ou détérioration grave du bien d’autrui, en réunion.
Par un jugement du 1er juin 2021, le tribunal correctionnel les a relaxés. Un appel a été formé par le ministère public, et la Cour d’appel a infirmé la décision de première instance. Les défendeurs ont alors formé un pourvoi en cassation, faisant grief à l’arrêt d’appel de rejeter leur défense fondée sur l’état de nécessité et de les déclarer coupables de dégradation ou détérioration grave du bien d’autrui en réunion.
Les demandeurs au pourvoi font grief à la cour d’appel de s’être « bornée à dire, pour écarter la « nécessité » de commettre les infractions en cause, que les prévenus avaient accès à de nombreux moyens d’action, politiques, militants, institutionnels qui existent dans tout Etat démocratique » et d’affirmer, pour écarter le moyen tiré de l’état de nécessité, que « les prévenus ne démontrent pas en quoi la dégradation de bidons et de flacons de produits désherbants dans un magasin constituerait un acte nécessaire et le seul moyen indispensable à la sauvegarde des personnes » et que « rien ne les contraignait à commettre les dégradations reprochées », quand « face à un danger actuel qu’elle constate pour l’ensemble de la population, connu de longue date par les pouvoirs publics, et face à l’inaction persistante de ceux-ci, toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Les demandeurs au pourvoi font également grief à la cour de les avoir condamnés pour dégradation de biens destinés à la vente alors que selon eux, « s’agissant de biens maculés de peinture destinés à la vente, le délit n’est constitué que si cette salissure le rend impropre à sa destination ; que tel n’est pas le cas lorsque l’objet destiné à la vente est
seulement couvert d’une inscription à la peinture délébile, qui lui permet, en tout état de cause, d’être utilisé et mis à la vente ».
La Cour de cassation rejette les pourvois, jugeant que la cour d’appel a valablement justifié sa décision en estimant souverainement, par des motifs exempts de contradiction et d’insuffisance, qu’il n’était pas démontré que la commission d’une infraction était le seul moyen d’éviter un péril actuel ou imminent. Sur le second moyen, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir constaté souverainement que « les prévenus ont rendu les produits impropres à la vente en raison de la persistance de traces de peinture, même après nettoyage », justifiant ainsi sa décision.
Mahau FRENKENBERG
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