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L’article 226-13 du code pénal réprime l’atteinte au secret professionnel.
L’infraction peut être commise par toute personne qui est dépositaire d’une information secrète soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.
L’infraction peut être commise par toute personne qui est dépositaire d’une information secrète soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.
La loi n’établissant aucune liste des personnes tenues au secret professionnel, le délit peut être retenu à l’encontre de tous ceux qui sont destinataires d’information à caractère secret.
Toutefois, l’article 226-14 du code pénal, dans sa version modifiée par la loi du 30 juillet 2020 prévoit que des poursuites pénales pour violation du secret professionnel ne peuvent aboutir à l’encontre :
1 C’est le cas du garde des Sceaux à qui des informations judiciaires peuvent être transmises par la voie hiérarchique (CJR, 30 sept. 2019, n° 1-2019 : reconnaissant M. Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la Justice, coupable d’avoir transmis des informations relatives à une enquête pénale à M. Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine).
En outre, l’article 434-11 du code pénal prévoit l’obligation de témoigner en faveur d’un innocent. Enfin, d’autres textes moins explicites se traduisent aussi par la nécessité pratique de violer, ou du moins de divulguer, en totalité ou en partie, un secret confié comme, par exemple, l’obligation de porter secours à une personne en danger.
Comment concilier les hypothèses de révélation susmentionnées prévues par le code pénal avec le rôle des ministres du culte en cas de confession portant sur la commission d’une infraction ?
Ce conflit d’intérêts, classique dès que l’on évoque le secret professionnel, prend incontestablement une résonance particulière lorsqu’il s’agit de secrets religieux.
Confesser, du latin confessus, signifie avouer, reconnaître, admettre. Acte de pénitence, la confession oblige celui qui recueille l’aveu à ne jamais le révéler. Pour les catholiques, le pénitent se délivre de sa faute dans l’absolution. « Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché » est la formule usitée lors de la confession auriculaire. Ainsi, le fidèle qui a commis un péché peut obtenir le pardon lorsque le prêtre prononce les paroles de l’absolution : « Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, je vous pardonne tous vos péchés ». Par cet acte religieux, le secret confié est à jamais scellé.s
L’article 226-13 du code pénal ne mentionne pas explicitement le secret de la confession. Dès lors, il faut déterminer si les ministres du culte peuvent être intégrés dans la formule générale de ce texte en étant dépositaires de secrets « par état ou par profession ». Bien qu’on puisse s’interroger sur la qualification de « profession » en ce qui concerne l’exercice d’un sacerdoce, la jurisprudence a toujours considéré le ministère d’un culte comme un état donnant à connaître l’intimité des consciences.2 Ainsi, dans un arrêt de 1891, la chambre criminelle a précisé que l’obligation au secret dépasse le sacrement de pénitence et le secret de la confession pour recouvrir l’ensemble des informations obtenues dans le cadre de la fonction ecclésiastique (Cass. crim. 4 déc. 1891).
Or, les hypothèses de révélation prévues par l’article 226-14 du code pénal ne constituent pas une obligation. En effet, selon la circulaire du 11 août 2004, le signalement de ces faits « ne peut être analysé que comme simple faculté, laissée à la discrétion du débiteur du secret, et non comme une obligation ».
Ce faisant, l’homme d’église, comme tout dépositaire d’un secret professionnel, jouit d’une option de conscience. En d’autres termes, il est libre de révéler le secret ou de garder le silence. Que faire prévaloir ? Le secret de la confession ? Ou la faculté de dénonciation ?
La réponse à cette question est loin d’être évidente.
Régulièrement et au gré d’affaires médiatiques (par exemple, l’affaire du prêtre Preynat du diocèse de Lyon), le secret gardé par les ministres des cultes soulève l’indignation. La gravité des infractions commises et notamment le développement des faits de pédophilie associé à des difficultés probatoires et d’identification des auteurs conduisent inévitablement, dans un souci de justice, à encourager les ministres du culte à révéler leurs secrets.
Toutefois, dans la religion catholique, le canon 983 prévoit l’excommunication de celui qui enfreint le secret de la confession, sans aucune exception. Selon ce texte, « le secret sacramentel est inviolable. C’est pourquoi, il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent par des paroles ou d’une autre manière et pour quelque cause que ce soit ». Le canon 984 ajoute que « l’utilisation de connaissances acquises en confession qui porte préjudice au pénitent est absolument défendue au confesseur même si tout risque d’indiscrétion est exclu ».
Pour le président de la Conférence des évêques de France, Emmanuel Éric de Moulins-Beaufort, le secret de la confession est un droit sacré pour les chrétiens. Le 7 octobre 2021 il a affirmé que « le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ».
Dans ce contexte, on ne peut que souhaiter une réflexion juste, objective et dépassionnée sur cette question.
Il est évident que la confiance et la certitude que le secret confié sera conservé sont les conditions indispensables du sacerdoce. Toutefois, dans un État laïc, il est peu compréhensible d’admettre un régime « dérogatoire » pour un secret religieux.
Le 5 octobre 2021 et après deux ans et demi de travaux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), présidée par Jean-Marc Sauvé, a rendu public son rapport. Elle estime à 216.000 le nombre de victimes mineures de faits de pédocriminalité commis par des clercs et des religieux depuis 1950.
2. Le principe de laïcité de l’État et de l’égalité dans le traitement des cultes impose naturellement les mêmes règles aux représentants de l’Église réformée, de la religion juive ou de l’islam. Commet ainsi le délit de violation du secret professionnel, un pasteur qui, ayant eu avec de futurs époux un entretien préliminaire au mariage, révèle tout ce qu’il a appris au cours de cet entretien (T. corr. Bordeaux, 27 avr. 1977).
A la suite de ce rapport, le Pape François a exprimé sa « honte » et sa « douleur ». Le premier Ministre Jean Castex a quant à lui indiqué que : « la séparation de l’Église et de l’État ne signifie en aucun cas la séparation de l’Église et de la loi ».
On se pose tous aujourd’hui la question de savoir ce que peut changer le rapport Sauvé ?
Depuis juillet 2020 tout ecclésiastique dispose de formulaires de signalement de délit. Le Saint-Siège encourage par ailleurs le confesseur à « tenter de convaincre le pénitent » d’alerter des personnes en mesure, elles, de saisir la justice.
Dans son rapport, la commission recommande également de mettre en place un « dispositif d’enquête de police systématique » – y compris lorsque l’affaire est prescrite – et de généraliser les protocoles entre parquets et diocèses.
Au cours de ses travaux, la Commission a réalisé 22 signalements auprès des parquets pour des faits dont elle a été informée.
Enfin, les révélations de la Commission sur l’ampleur de ces crimes sexuels amèneront peut-être – espérons-le- certaines victimes à parler. Le magistrat Antoine Garapon indique en ce sens que : « ce n’est qu’une intuition, mais je le crois. On l’a bien vu lors du mouvement #Metoo, la parole entraîne la parole ».
Selon l’article 11 du Code de procédure pénale : « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ». Le texte poursuit : « Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal ». Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties,
«rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause».
Ce faisant, ce texte pose non seulement le principe du secret de l’instruction mais aussi celui du secret de l’enquête. Il s’agit de l’enquête préliminaire, celle conduite d’initiative par des officiers de police judiciaire ou à l’instigation du ministère public.
Pour fixer la portée de cette règle, il faut déterminer quelles sont les personnes qui concourent à l’instruction et celles qui n’y concourent pas. Par l’expression confuse et incertaine du législateur : « personnes qui concourent à l’information », il faut entendre celles qui participent à la constitution du dossier et effectuent certaines opérations d’instruction telles que les magistrats, les policiers, les experts, mais non les personnes qui y sont mêlées passivement, et qui n’y apparaissent que parce qu’elles ont participé à l’infraction poursuivie, ou l’ont connue à un titre quelconque, telles que la personne mise en examen, les témoins et la partie civile.
Ce secret s’applique pendant le cours de l’enquête et de l’instruction. Après la clôture de l’information et le renvoi de l’affaire devant la juridiction de jugement, la règle de la publicité remplace celle du secret. Tous les éléments du dossier sont dès lors produits et discutés au grand jour de l’audience publique.
Si aucune disposition légale ne protège spécifiquement le secret du délibéré, principe indissociable des fonctions juridictionnelles en tant que garantie de l’indépendance des juges et d’un procès équitable, il se déduit de l’article 6 de la Convention EDH et des principes généraux du droit que l’atteinte que constitue la saisie par un juge d’instruction, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article 81 du Code de procédure pénale, de documents couverts par ce secret, ne saurait être justifiée qu’à la condition qu’elle constitue une mesure nécessaire à l’établissement de la preuve d’une infraction. Une dérogation à l’obligation de conserver le secret des délibérations, édictée par l’article 304 du Code de procédure pénale, ne saurait être admise, même à l’occasion de poursuites pour violation du secret du délibéré, sans qu’il soit porté atteinte tant à l’indépendance des juges, professionnels comme non-professionnels, qu’à l’autorité de leurs décisions.
La loi du 3 juin 2016 a renforcé le secret du délibéré au sujet des perquisitions dans les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles et qui tendent à la saisie de documents susceptibles d’être couverts par le secret du délibéré (V. en ce sens article 56-5 du code de procédure pénale).
L’article 226-15 du code pénal réprime les atteintes au secret des correspondances.3
Sont visés le fait, commis de mauvaise foi :
L’article 413-9 du code pénal pose la définition du secret protégé par la défense nationale en se fondant sur un critère de classification. Selon ce texte « présentent un caractère de secret de la défense nationale […] les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion ».
Aux termes du deuxième alinéa de l’article 413-9, peuvent bénéficier des mesures de protection d’une part, les informations présentant véritablement une nature secrète et d’autre part, celles « dont la divulgation pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».
Des articles 413-10 à 413-12, le code prévoit plusieurs infractions visant à réprimer les atteintes au secret de la défense nationale :
L’article 413-10 puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende « le fait, par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ou permanente, d’un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit d’en donner l’accès à une personne non qualifiée ou de le porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée ».Est puni des mêmes peines « le fait, par la personne dépositaire, d’avoir laissé accéder à, détruire, détourner, soustraire, reproduire ou divulguer le procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier visé à l’alinéa précédent ». Lorsque la personne dépositaire a agi par imprudence ou négligence, l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
3 Les faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende. Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 € d’amende. La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende lorsque les faits sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, hors les cas prévus par la loi.
L’article 413-11 du code pénal vise quant à lui les atteintes commises par toute personne n’étant pas dépositaire. Il importe peu que cette personne ait cette qualité pour d’autres secrets. Il est par ailleurs indifférent que celle-ci soit de nationalité française ou étrangère.
Les faits reprochés correspondent sensiblement à ceux imputables au dépositaire lui-même en vertu de l’article 431-10 : s’assurer la possession d’un des objets couverts par le secret (par exemple en se faisant remettre par le dépositaire, soit d’accord avec lui, soit en le trompant par des moyens frauduleux) ; détruire ces mêmes objets, les soustraire (notamment après avoir pénétré indûment dans un local interdit) ou les reproduire de quelque façon que ce soit; les porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée.
Par Dorothée Goetz
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