[Droit international privé ; juge compétent ; divorce]

Rappel

Dans un arrêt du 30 novembre 2022, pourvoi n°21-15.988, la Première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur le juge compétent pour prononcer un divorce revêtant des éléments d’extranéité.

En l’espèce, Mme P. et Mr S., tous deux de nationalité belge, se sont mariés le 18 septembre 1982, en Belgique. Le 12 mai 2020, Mme P. a présenté une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales français.

Un pourvoi en cassation est formé, par lequel Mr S. fait grief à la Cour d’appel d’avoir dit le juge aux affaires familiales compétent, indiquant que la résidence se définit comme « le lieu où une personne a fixé ses centres d’intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu’il faut essentiellement retenir c’est qu’à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5, en France] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d’entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ».

Selon le demandeur au pourvoi, au sens de l’article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003, « la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ». Celui-ci indique que lui et son épouse avaient conservé avec la Belgique le centre habituel de leurs intérêts, puisqu’ils y « résidaient plusieurs mois de l’année, y avaient l’ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l’ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5, en France] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l’Etat belge considère que c’est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu’ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5, en France] de secondaire, et où les époux avaient conservé l’immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable ».

Décision

La Cour de cassation saisie de l’affaire indique qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (25 novembre 2021, C-289/20) que « la notion de résidence

habituelle au sens de l’article 3, § 1, sous a), du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003 est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d’une part, la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d’autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné, l’environnement d’un adulte étant de nature variée, composé d’un vaste spectre d’activités et d’intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d’ordre privé et familial, diversifiés ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi, affirmant que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision. En effet, la Cour avait relevé que, « depuis leur installation, Mr et Mme S. résidaient essentiellement à [Localité 5, en France] et ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3, en Belgique], où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers », et « en a souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, Mr et Mme S. avaient eu la volonté de fixer à [Localité 5, en France] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens [de l’article 3 du règlement précité] se trouvait en France ».

Cette décision nous rappelle l’affaire Johnny Hallyday, où par une décision du 28 mai 2019, n° RG 18/01502, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre avait jugé que la dernière résidence habituelle du chanteur était située en France. En effet, les juges du fond, en retenant un ensemble de faits objectifs et subjectifs, avaient estimé que le chanteur avait conservé un mode de vie tout à la fois itinérant et bohème, mais surtout très français : les tournées et les concerts du chanteur s’enchaînaient pendant de longs mois quasi-exclusivement en France et devant un public francophone, ce qui révélait un lien étroit et stable avec la France.

Mahau FRENKENBERG

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