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[procédure civile ; effet dévolutif de l’appel ; déclaration d’appel]
Dans un arrêt rendu le 12 janvier 2023, pourvoi n°21-16.804, la Cour de cassation se prononce sur les mentions obligatoires de la déclaration d’appel et sur l’effet dévolutif de l’appel.
En l’espèce, une salariée saisit le conseil de prud’hommes de Toulon pour contester son licenciement. L’employeur est condamné et forme appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d’appel, l’employeur ne précise pas les chefs de jugement critiqués, mais procède par renvoi à une annexe intitulée « Pièce jointe faisant corps avec la déclaration d’appel » transmise par RVPA le même jour.
La Cour d’appel rejette l’appel, en indiquant qu’ « […] au moment où l’appel a été interjeté […] l’appelante ne démontre pas avoir été dans l’impossibilité de faire figurer [les mentions obligatoires devant figurer dans la déclaration d’appel], laquelle pouvait parfaitement contenir l’intégralité des chefs de jugement critiqués », et qu’ « […] il en résulte que le document joint à la déclaration d’appel n’a aucune valeur procédurale et ne fait pas partie intégrale de cette déclaration […] ».
L’appelant forme pourvoi en cassation, plaidant que la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et qu’il résulte des articles 3 et 6 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, en vigueur jusqu’au 22 mai 2020, et de la circulaire du ministère de la Justice du 4 août 2017 « que les chefs du jugement critiqués peuvent être listés dans une pièce jointe annexée à la déclaration d’appel faisant corps avec elle ». Ayant interjeté appel le 26 septembre 2019 par voie électronique, l’appelant fait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté sa déclaration d’appel.
Dans la seconde branche du moyen, le demandeur se fonde sur l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui sanctionne toute atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge. Il ajoute que l’atteinte au droit d’accès au juge est d’autant plus disproportionnée « que l’absence d’effet dévolutif est relevée d’office par la juridiction d’appel postérieurement à la clôture des débats, privant ainsi l’appelant de toute possibilité de régularisation, laquelle est admise seulement dans le délai accordé pour conclure ».
La Cour de cassation est intransigeante, et rejette le pourvoi. Selon la Cour, le décret du 25 février 2022, qui a modifié l’article 901 4° du code de procédure civile en tant qu’il prévoit que « la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « , comportant le cas échéant une annexe, », n’est pas applicable en l’espèce. En effet, si l’article 6 du décret précise que la disposition susmentionnée est applicable aux instances en cours, et que par un avis du 8 juillet 2022 (n° 22-70.005), la Cour de cassation a indiqué que le décret du 25 février 2022 est immédiatement applicable aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ce décret, « l’instance devant une cour d’appel, introduite par une déclaration d’appel prend fin avec l’arrêt que rend cette juridiction. Elle ne se poursuit pas devant la Cour de cassation, devant laquelle est introduite une instance distincte. Il en résulte que le décret du 25 février 2022 n’est pas applicable au présent litige ». Dès lors, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel, qui a fait une exacte application des textes précités, sans porter d’atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.
On remarquera en lisant l’arrêt d’appel[1] que l’intimée n’avait pas soulevée l’absence d’effet dévolutif d’appel. Néanmoins, lors de l’audience d’appel, les juges ont invité les parties à produire une note contradictoire en délibérée sur l’absence d’effet dévolutif de l’appel au vu de la déclaration d’appel qui ne contient aucun chef de jugement critiqué.
Dans sa jurisprudence antérieure,[2] la Cour avait déjà précisé que le défaut d’une mention prévue à l’article 901 du code de procédure civile doit être soulevé devant le conseiller de la mise en état, avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, et en justifiant d’un grief (art. 74 et 114 C. pr. civ.). Précédemment,[3] la Cour de cassation avait cassé un arrêt d’appel au motif que la nullité pour vice de forme ne peut être relevée d’office par le juge. Néanmoins, dans cette espèce, les juges d’appel n’avaient pas mis en mesure les parties de discuter contradictoirement l’irrégularité invoquée.
Mahau FRENKENBERG
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