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[preuve ; déloyauté ; procès civil]
Dans un arrêt du 22 décembre 2023, pourvoi n°20-20.648, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée sur la possible production d’une pièce obtenue de manière illicite ou déloyale devant le juge civil.
En l’espèce, une personne a été engagée par la société ABS. Puis, trois ans après avoir été embauché, le salarié est mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour un entretien préalable à un éventuel licenciement. Quelques jours plus tard, il est licencié pour faute grave. Lors d’un entretien informel, l’employeur a réalisé un enregistrement sonore du salarié au cours duquel celui-ci a tenu des propos ayant conduit à son licenciement. La société ABS, son employeur, a ensuite saisi le Conseil des prud’hommes d’une action en réparation contre le salarié. Ce dernier a contesté son licenciement et demandé la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes.
Devant l’Assemblée plénière, la société ABS fait grief à la Cour d’appel de déclarer irrecevables les éléments de preuve obtenus par elle au moyen d’enregistrements clandestins, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié différentes sommes à titre de dommages et intérêts et d’indemnités.
Selon la société, « l’enregistrement audio, même obtenu à l’insu d’un salarié, est recevable et peut être produit et utilisé en justice dès lors qu’il ne porte pas atteinte aux droits du salarié, qu’il est indispensable au droit à la preuve et à la protection des intérêts de l’employeur et qu’il a pu être discuté dans le cadre d’un procès équitable ». Aussi, la demanderesse au pourvoi indique qu’en écartant des débats certaines pièces produites par elle en appel, « qui démontraient que le salarié avait expressément refusé de fournir à son employeur le suivi de son activité commerciale, ce au motif erroné et insuffisant qu’elles ont été obtenues par un procédé déloyal et à l’insu du salarié, la cour d’appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Au visa de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du Code de procédure civile, la Cour de cassation, en sa formation la plus solennelle, rappelle sa jurisprudence récente en matière civile, selon laquelle elle admet « un droit à la preuve qui permet de déclarer recevable une preuve illicite lorsque cette preuve est indispensable au succès de la prétention de celui qui s’en prévaut et que l’atteinte portée aux droits antinomiques en présence est strictement proportionnée au but poursuivi ».
La Cour rappelle également l’unique limite à l’admission d’une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale : « est irrecevable la production d’une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème ».
Ainsi, selon la Haute juridiction, « [c]ette solution est fondée sur la considération que la justice doit être rendue loyalement au vu de preuves recueillies et produites d’une manière qui ne porte pas atteinte à sa dignité et à sa crédibilité ».
Le juge doit désormais procéder à un contrôle de proportionnalité et apprécier si une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, et doit être écartée des débats. Pour cela, le juge doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, « le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Synthèse :
Afin d’apprécier si une pièce obtenue de manière illicite ou déloyale peut être versée au débat, le juge doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence. Ainsi, pour pouvoir être versée au débat :
Mahau FRENKENBERG
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