[Droit à un procès équitable ; droit à un recours juridictionnel effectif ; Czabaj ; CEDH ; instances en cours ; article 6§1]

Par un arrêt « Legros et autres c./ France » rendu le 9 novembre 2023 (n° 72173/17 et a.) la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France pour violation du droit à un procès équitable, en raison de l’application de la jurisprudence « Czabaj » aux instances en cours.

Par ce célèbre arrêt d’Assemblée en date du 13 juillet 2016 (n° 387763), le Conseil d’État avait posé le principe selon lequel, en l’absence de mention des voies et délais de recours dans une décision prise par l’administration, il appartenait au requérant de la contester dans un « délai raisonnable », précisant en outre « qu’en générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait […] excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ». Ce faisant, au nom de la sécurité juridique, il restreignait considérablement le droit au recours des intéressés.

Saisie de multiples requêtes critiquant cette jurisprudence à l’aune de l’article 6§1 de la convention, la Cour de Strasbourg s’est prononcée en deux temps.

Elle a d’abord validé le principe d’une limitation jurisprudentielle du délai de recours.

Tout en jugeant que cette nouvelle règle de recevabilité ne se résumait pas à affecter les seules modalités d’exercice du droit au recours mais était « susceptible d’affecter sa substance même » (§138), elle a rappelé que l’évolution de la jurisprudence n’était pas, en soi, contraire au droit à un procès équitable (§140).

Ensuite, eu égard aux buts poursuivis par ce revirement de jurisprudence (en l’occurrence, la préservation de la sécurité juridique et la bonne administration de la justice) et au rapport de proportionnalité existant entre ceux-ci et les conditions d’opposabilité du délai d’un an fixé par le Conseil d’État, elle a estimé que « la création, par voie prétorienne, d’une nouvelle condition de recevabilité [ne portait pas] une atteinte excessive au droit d’accès à un tribunal » (§148).

En revanche, elle a condamné l’application de cette jurisprudence aux instances en cours.

Se plaçant sur le terrain in concreto, elle a relevé que, dans les affaires dont elle était saisie, la nouvelle cause d’irrecevabilité issue de la jurisprudence « Czabaj » avait été consacrée postérieurement à la date d’introduction des recours… et donc opposée rétroactivement aux requérants, sans que ceux-ci ne puissent l’anticiper ni s’y opposer (§§ 149-154).

Dans ces conditions, la Cour a considéré que « l’application aux instances en cours de la nouvelle règle de délai de recours contentieux, qui était pour les requérants à la fois imprévisible, dans son principe, et imparable, en pratique, a restreint leur droit d’accès à un tribunal à un point tel que l’essence même de ce droit s’en est trouvée altérée » (§161).

Elle a donc conclu à la violation de l’article 6§1 de la convention.

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