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(Crim. 23 novembre 2021, n° 21-83.892 )
Cet arrêt aborde un point précis de procédure pénale : le dépôt des réquisitions du parquet devant la chambre de l’instruction. Il faut en retenir que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le dépôt de ses réquisitions par le procureur de la République au plus tard la veille de l’audience de la chambre de l’instruction devant laquelle la procédure est écrite s’impose à peine de nullité.
En l’espèce, courant 2013 deux sœurs dénonçaient des faits de viols dont elles avaient été victimes durant cinq ans de la part de leur oncle. Lors des premiers viols elles avaient six et sept ans. L’individu était mis en examen des chefs de viols sur mineurs de quinze ans puis mis en accusation et renvoyé devant la cour criminelle. En l’espèce, il forme un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction qui l’a renvoyé devant la cour criminelle sous l’accusation de viols aggravés.
Il fait valoir que le procureur général, partie nécessaire au procès pénal, doit, à peine de nullité, déposer des réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction. Or, il relève que les mentions de l’arrêt ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s’assurer que de telles réquisitions écrites ont été déposées au greffe de la chambre de l’instruction. En effet, la preuve de l’accomplissement de cette formalité ne résultait pas de l’arrêt contesté.
La Cour de cassation vise les articles 194, alinéa 1 et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale. Ces deux textes énoncent deux principes. Premièrement, le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l’audience de la chambre de l’instruction devant laquelle la procédure est écrite, ce délai n’étant pas contraire aux dispositions de l’article 6, § 3, a et b, de la Convention européenne des droits de l’homme (Crim. 1er juill. 1997, n° 96-82.932 P). Deuxièmement, le respect de cette exigence s’impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.
En l’espèce, il est vrai que l’arrêt attaqué mentionne que le procureur général a oralement requis la confirmation de l’ordonnance déférée. Cette mention est-elle suffisante pour satisfaire les exigences posées par les articles précités ? La réponse est négative pour la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction. Pour la Haute juridiction ni les énonciations de l’arrêt ni les pièces de la procédure ne permettent de s’assurer que le procureur général a déposé au greffe des réquisitions écrites.
À première vue, cette cassation peut surprendre. En effet, en 1974, la chambre criminelle avait considéré que les dispositions de l’article 194, alinéa 1er, ne sont pas prescrites à peine de nullité et l’inobservation des formalités qu’il prévoit n’entraîne la nullité que s’il y a eu violation des droits de la défense (Crim. 3 oct. 1974, n° 73-91.411).
En outre, l’article 197 n’exige pas que les réquisitions soient versées au dossier simultanément au dépôt de celui-ci au greffe de la chambre de l’instruction (Crim. 20 mars 1989, n° 89-80.204 P ; 26 févr. 1991, n° 90-87.295 P). Et il n’y a pas davantage de d’atteinte aux droits de la défense dans le fait, par le procureur général, de déposer, la veille de l’audience, des réquisitions additionnelles (Crim. 27 oct. 2004, n° 04-85.052 P).
En outre, en 2014, la chambre criminelle saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité a considéré que les dispositions des articles 194 et 197 du code de procédure pénale ne prévoient pas la communication des réquisitions du parquet général aux parties. Ce faisant, la chambre criminelle a dit n’y avoir lieu à transmission au Conseil constitutionnel en ce que les dispositions critiquées se complètent avec celles de l’article 198, satisfont à un objectif de bonne administration de la justice et alors que les parties peuvent prendre connaissance des réquisitions du ministère public tant au greffe qu’à l’audience, et, dans tous les cas, y répondre conformément aux règles du contradictoire et sans que soient méconnus les principes d’une procédure juste et équitable (Crim. 9 avr. 2014, n° 14-90.007).
Réaffirmant cet esprit pragmatique, la jurisprudence avait ensuite admis, dans des arrêts plus récents, que lorsque le procureur ne dépose des réquisitions écrites que le jour de l’audience alors qu’il devait les déposer au plus tard la veille, la chambre de l’instruction doit statuer après les avoir écartées des débats et ne peut ordonner la mise en liberté de l’intéressé sur ce seul fondement (Crim. 9 mai 2001, n° 01-81.192).
Toutefois, aussi pragmatique qu’elle soit, la jurisprudence reste particulièrement attachée au principe du contradictoire. À ce titre, elle a déjà considéré qu’il incombe à la chambre de l’instruction de veiller au respect du contradictoire en permettant, le cas échéant, à une partie qui se serait trouvée dans l’impossibilité de prendre connaissance de ces réquisitions avant la fermeture du greffe, la veille de l’audience, de pouvoir y répondre (Crim. 13 mai 2015, n° 15-90.003 P, Dalloz actualité, 2 juill. 2015, obs. J. Gallois).
En s’inscrivant dans cette veine jurisprudentielle, la chambre criminelle refuse en l’espèce de s’appuyer sur les mentions de l’arrêt, indiquant que le procureur général a oralement requis la confirmation de l’ordonnance déférée, pour en déduire que des réquisitions écrites ont été déposées.
Ainsi si, dans un cas pratique, il est question d’une procédure devant la chambre de l’instruction, n’oubliez pas de vous assurer que le parquet a bien déposé ses réquisitions au plus tard la veille de l’audience. C’est important car l’absence de dépôt des réquisitions dans ce délai constitue une cause de nullité.
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