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[QPC ; Médiator ; critère d’applicabilité au litige]
A l’occasion de cette décision concernant la célèbre affaire du médicament Médiator, la partie requérante demande, devant la Cour de cassation, le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. La question porte sur le dispositif juridique prévoyant qu’un producteur de produits de santé ayant causé un dommage peut être exonéré de sa responsabilité pour risque de développement sauf si le produit est issu du corps humain1. En l’espèce les ayant droits d’une personne décédée à la suite de la prise du médicament invoquent une discrimination entre les victimes de dommages résultant d’un produit de santé selon que ce produit est ou non issu du corps humain. Cette discrimination serait, selon eux, contraire au principe d’égalité devant la loi.
En tant que juge du filtre, la Cour de cassation participe à la construction de la jurisprudence relative aux conditions de recevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ces conditions sont aux nombres de trois2 : l’applicabilité de la disposition au litige, une disposition non encore déclarée conforme à la Constitution et une question présentant un caractère sérieux. La condition de recevabilité qui nous intéresse particulièrement dans ce cas d’espèce est celui de l’applicabilité au litige. Dans cette affaire, le décès présente un lien direct avec un médicament non issu du corps humain : le Médiator. Le fabricant du produit défectueux peut donc se prévaloir de la notion de risque de développement et être ainsi exonéré de sa responsabilité dès lors que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation du produit, n’a pas permis d’identifier l’existence du défaut. Or, les dispositions contestées par les requérants sont celles qui prévoient une exception à cette exonération lorsque le dommage résulte d’un produit issu du corps humain. Elles ne sont donc pas directement applicables au litige puisque le Médiator constitue un produit qui n’est pas issu du corps humain.
Dès lors, comment le Conseil d’État et la Cour de cassation apprécient-ils l’applicabilité au litige ? Ils ont chacun une conception autonome de l’applicabilité au litige. Le Conseil d’État en a traditionnellement une conception extensive. Il retient en effet que le but de cette procédure de contrôle a posteriori est de purger les lois de leurs dispositions inconstitutionnelles. Il admet donc l’applicabilité au litige de dispositions qui ne sont pas effectivement appliquées3. Au contraire, la Cour de cassation, tout en admettant qu’il y a un intérêt à faire constater l’applicabilité d’une disposition au litige, apprécie traditionnellement si le contrôle de la disposition est nécessaire pour que le litige soit tranché. Son contrôle de recevabilité est donc, en principe, plus strict que celui du Conseil d’État.
Dans cette décision, bien que la question de la constitutionnalité des dispositions contestées ne soit pas nécessaire pour trancher le litige, la Cour de cassation estime néanmoins que la condition de
l’applicabilité au litige des dispositions est remplie. Cet arrêt illustre la marge de manœuvre dont dispose la Cour de cassation dans son rôle de juge du filtre.
1 Art. 1245-10 et 1245-11 du Code civil
2 Art. 23-2 et 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
3 Conseil d’État, 8 octobre 2010, Daoudi
Inès GANDILLET
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