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[Résolution judiciaire ; torts partagés ; restitutions]
Dans un arrêt du 15 mai 2024, pourvoi n°23-13.990, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que la résolution du contrat aux torts partagés des parties n’exclut pas les restitutions entre les parties et que l’exclusion de toute indemnisation doit être justifiée.
En l’espèce, la société Amarris a conclu le 5 décembre 2018 un contrat avec la société Smartpush pour la mise à disposition d’une plateforme technologique et de prestations informatiques associées.
Après plusieurs reports de la date de mise en service de la plateforme, la société Amarris a notifié le 31 août 2020 la résolution du contrat à la société Smartpush, et a sollicité la restitution des sommes versées en exécution du contrat. En réponse, la société Smartpush a assigné la société Amarris en exécution forcée du contrat.
Saisie d’un recours contre la décision de première instance, la Cour d’appel a prononcé la résolution du contrat aux torts partagés des parties et a rejeté l’ensemble des autres demandes.
La société Amarris a alors formé un pourvoi en cassation, faisant grief à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande de restitution des sommes versées en exécution du contrat « en se fondant sur la circonstance que la résolution devait être prononcée « aux torts partagés » », et « sans rechercher ni la gravité des fautes ayant entraîné la résolution du contrat et la part de responsabilité incombant à chaque partie, ni l’importance des préjudices respectivement subis de ce fait ».
Selon la première branche du second moyen, la société Amarris estime que « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre ». Dans la seconde branche du second moyen, la société Amarris fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir « recherché ni la gravité des fautes ayant entraîné la résolution du contrat et la part de responsabilité incombant à chaque partie, ni l’importance des préjudices respectivement subis de ce fait ».
Pour casser l’arrêt d’appel, la Cour de cassation vise d’abord l’article 1229 du Code civil et rappelle qu’en application de ce texte, « l’admission de torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions ». La Cour vise ensuite l’article 1231-1 du Code civil, et indique que la Cour d’appel aurait effectivement dû rechercher « la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues » et « l’importance du préjudice subi par chacune » pour déterminer les créances de responsabilité de chacune des parties à l’égard de l’autre et éventuellement exclure toute indemnisation.
Pour rappel, l’article 1217 du Code civil prévoit qu’en cas d’inexécution ou d’exécution imparfaite du contrat, la partie lésée peut à titre de sanction :
S’agissant de la résolution du contrat, l’article 1226 du Code civil précise que la partie lésée doit, sauf urgence, préalablement mettre en demeure la partie défaillante de satisfaire à son engagement contractuel dans un délai raisonnable. Si l’inexécution persiste, la partie lésée notifie à la partie défaillante la résolution du contrat. La partie défaillante, débitrice de l’obligation contractuelle non-exécutée, peut saisir le juge afin de contester la résolution du contrat. La partie lésée, créancière de l’obligation contractuelle non-exécutée doit alors « prouver la gravité de l’inexécution »[1].
Synthèse :
La Cour de cassation rappelle que le prononcé de la résolution du contrat aux torts partagés des parties, en application de l’article 1229 du Code civil, ne fait pas obstacle aux restitutions.
Pour prononcer la résolution du contrat aux torts partagés des parties et exclure toute indemnisation, les juges du fond doivent établir la gravité des fautes ayant entraîné la résolution du contrat et rechercher la part de responsabilité incombant à chaque partie ainsi que l’importance des préjudices respectivement subis.
Mahau FRENKENBERG
[1] Article 1226 du Code civil, alinéa 4.
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