[Réforme des retraites ; Contrôle de recevabilité financière ; proposition de loi]

Rappel

Un article d’avril 2023 avait été consacré à la décision de conformité du Conseil constitutionnel concernant la réforme des retraites. Dans son prolongement, nous évoquons aujourd’hui la proposition de loi tendant à revenir sur cette dernière. Le groupe des députés Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) avait en effet déposé une proposition de loi tendant à abroger le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Le jeudi 8 juin, le groupe LIOT a finalement choisi de retirer sa proposition. Ce retrait fait suite à une nouvelle pratique du contrôle de recevabilité financière des amendements parlementaires.

Pour rappel l’article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Le gouvernement n’est pas soumis à une telle limitation. En ce qu’il détermine la politique de la nation, il doit pouvoir prendre des mesures qui ont une incidence sur les finances. Le contrôle de recevabilité financière ne s’applique donc qu’aux propositions de loi et amendements d’initiative parlementaire.

En amont du dépôt de la proposition de loi, c’est une délégation du bureau de chaque assemblée qui l’effectue. La délégation concernée peut toutefois gager la proposition. L’aggravation des charges publiques est alors compensée par la création d’une nouvelle ressource. En l’espèce, la proposition de loi prévoyait un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Elle avait pour corolaire une aggravation des charges publiques la rendant irrecevable. Le bureau de l’assemblée a décidé de « gager » la proposition de loi par la création d’une taxe sur les tabacs.

La proposition déposée, elle est ensuite passée devant la commission des affaires sociales. Le 23 mai, sa présidente a saisi la commission des finances afin de s’assurer de la conformité du texte aux exigences constitutionnelles de recevabilités financières. Éric Coquerel, président de la commission des finances a conclu à sa recevabilité financière. Le texte a toutefois été vidé de sa portée lors de son examen en commission puisque l’article prévoyant un retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans a été supprimé. Les députés de LIOT ont donc décidé de réintroduire ces dispositions par voie d’amendement lors de l’examen en séance de la proposition.

Décision

Au stade de l’amendement du texte de loi et pour éviter que les parlementaires puissent introduire des dispositions couteuses, on applique l’article 40 dans toute sa rigueur. En ce sens, le Conseil constitutionnel a affirmé dès 2006 que des dispositions qui n’auraient pas été soumises à un contrôle effectif de recevabilité sont contraires à la Constitution. Juridiquement, c’est le président de l’assemblée concernée qui opère ce contrôle. En pratique, depuis le début de la Vème république, c’est le président de la commission des finances qui l’effectue.

Il se trouve que l’été dernier a été élu à la présidence de la commission des finances un parlementaire du groupe La France Insoumise. M. Éric Coquerel s’est mis à appliquer l’article 40 différemment de ses prédécesseurs. Une application bien plus souple, changeant fondamentalement la mécanique du contrôle de recevabilité. De sorte que la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, issue de La République En Marche, a repris le rôle qui lui était juridiquement attribué (séance du 11 juillet 2022).

Elle a affirmé sa position avant l’examen en séance de la proposition : « Il ne doit pas y avoir de débats sur cet article qui est clairement anticonstitutionnel. […] Je prendrai mes responsabilités, c’est la raison pour laquelle je suis présidente de l’Assemblée nationale. ». Dans l’impossibilité de remettre l’âge de départ à la retraite au cœur des débats, le groupe LIOT a finalement décidé le jeudi 8 juin de retirer sa proposition de loi. En réaction à la position de la majorité, la Nupes a annoncé le dépôt d’une motion de censure.

Ines GANDILLET

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