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[adoption plénière ; enfant du conjoint ; consentement ]
Dans un arrêt du 11 mai 2023 (pourvoi n°21-17.737) publié au Bulletin, la Première chambre civile de la Cour de cassation a été interrogée sur le régime juridique du consentement donné par le parent à l’adoption plénière de son enfant par son conjoint.
En l’espèce, Madame L. et Madame T. se sont mariées le 29 août 2015. Peu après leur mariage, le 19 janvier 2016, Madame L. a donné naissance à un enfant, et a, le 18 février 2016, consenti à l’adoption plénière de l’enfant par Madame T. Cette dernière a alors sollicité le prononcé de l’adoption plénière de l’enfant par requête du 28 avril 2016. Un arrêt du 5 décembre 2018 a constaté son désistement de l’instance. Par la suite, Madame T. a de nouveau sollicité le prononcé de l’adoption plénière de l’enfant.
Pendant ce temps, Madame L. a initié par requête du 17 octobre 2016 une procédure en divorce. Un jugement du 12 décembre 2019 a prononcé le divorce des épouses pour altération définitive du lien conjugal.
Devant la Haute juridiction, Madame L. fait grief à l’arrêt d’appel de prononcer, avec toutes ses conséquences de droit, l’adoption plénière de son enfant par Madame T., alors « que lorsque la filiation d’un enfant n’est établie qu’à l’égard d’un de ses auteurs, celui-ci donne le consentement à l’adoption ; qu’en l’espèce, la rétractation par Mme [L] de son consentement par courrier du 19 octobre 2016 adressé au parquet civil du tribunal de grande instance de Bordeaux, suivie du retrait de sa demande en adoption par Mme [T], 17 janvier 2017, a eu pour effet d’anéantir l’acte du 18 février 2016 ; qu’en conséquence, suite au dépôt d’une nouvelle requête en adoption par Mme [T], le consentement de Mme [L] devait être recueilli dans les conditions de l’article 348-3, alinéa 1er, du code civil ; qu’en énonçant que « les termes du recueil du consentement tel que figurant dans l’acte authentique du 18 février 2016 portant déclaration de son consentement à l’adoption plénière de son enfant [U] par Mme [T], ne comporte aucune limite dans le temps ni ne se rattache à une instance particulière », la cour d’appel a violé les dispositions des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil [dans leur ancienne rédaction]. ».
La demanderesse fait le même grief à la cour d’appel alors « que l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ; que la réunion des conditions légales de l’adoption, prévues notamment par les articles 345-1, 348-1 du code civil, est vérifiée par le juge au moment où il statue ; qu’en se bornant à énoncer que « la qualité pour agir s’analyse
au moment de la requête déposée, celle formalisée par l’appelante doit être déclarée recevable pour l’avoir été dans un temps où le couple était encore uni par les liens du mariage, soit le 25 février 2019″, sans rechercher si, au jour où elle statuait les conditions légales de l’adoption étaient réunies, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil [dans leur ancienne rédaction]. »
La Cour de cassation rejette le pourvoi, indiquant que la cour d’appel a légalement justifié sa décision. En effet, selon la Haute juridiction, les juges du fond ont valablement constaté que le consentement de Madame L., « reçu par acte notarié dans les formes requises, n’avait pas été rétracté dans le délai de deux mois », et que ce consentement « ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n’étant pas prévues par la loi, de sorte qu’il avait plein et entier effet. »
Sur la seconde branche du moyen, la Haute juridiction répond que « en application des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil, dans leur version alors applicable, le juge doit vérifier si les conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce. » En l’espèce, la cour d’appel « a constaté qu’il avait été interjeté appel du jugement de divorce rendu le 12 décembre 2019 et que celui-ci était pendant, ce dont il se déduit que Mme [T] et Mme [L] étaient encore unies par les liens du mariage au moment où elle a statué. » et qu’il « en résulte que les conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint étaient réunies au moment où la cour d’appel s’est prononcée. »
Il est intéressant de noter l’intervention de la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption1 et de l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 20222. Aujourd’hui, l’article 348-5 du Code civil prévoit les conditions de la rétractation du consentement, et indique que : « Le consentement à l’adoption peut être rétracté pendant deux mois.
La rétractation doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la personne ou au service qui a reçu le consentement à l’adoption. La remise de l’enfant à ses parents sur demande même verbale par cette personne ou ce service vaut rétractation.
Si à l’expiration du délai de deux mois le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption.
Si la personne qui l’a recueilli refuse de le restituer, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l’adoption. »
Mahau FRENKENBERG
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1 Disponible sur Légifrance : ici
2 Disponible sur Légifrance : ici
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