La renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral constitue une fin de non-recevoir opposable au recours en annulation de la sentence

La renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral constitue une fin de non-recevoir opposable au recours en annulation de la sentence

[arbitrage ; demande d’avis ; fin de non-recevoir]

Le 20 mars 2024, la Première chambre civile a rendu un avis, pourvoi n° 23-70.019, par laquelle elle a répondu aux questions suivantes :

  • « Le moyen fondé sur l’article 1466 du code de procédure civile, tiré de la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral, peut-il être qualifié de fin de non-recevoir au sens du code de procédure civile ? ».
  • « Si la qualification de fin de non-recevoir est retenue, l’examen de l’irrecevabilité invoquée relève-t-il de la compétence du conseiller de la mise en état, en application des dispositions des articles 780, 6°, et 907 du code de procédure civile, ou de la compétence de la cour, saisie du recours en annulation de la sentence arbitrale ? ».

 

La Cour de cassation rappelle d’abord le contenu de l’article 122 du Code de procédure civile, siège de la fin de non-recevoir. Ainsi, constitue une fin de non-recevoir « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Toutefois, cette liste n’est pas limitative.

En matière d’arbitrage, tant interne qu’international, l’article 1466 du code de procédure civile prévoit que « [l]a partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir ».

La Cour de cassation répond à la première question par la positive, et est d’avis que la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral constitue une fin de non-recevable opposable au stade du recours en annulation de la sentence arbitrale.

La deuxième question porte sur la compétence du conseiller de la mise en état, ou de la cour d’appel, pour procéder à l’examen de la fin de non-recevoir soulevée lors du recours en annulation de la sentence.

La Cour de cassation rappelle d’abord le contenu de l’article 789, 6°, du Code de procédure civile, qui prévoit que « [l]orsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir ». Dans un avis du 11 octobre 2022, n°22-70.010, la Cour de cassation affirme que cette disposition est également applicable devant le conseiller de la mise en état.

Dans l’avis du 11 octobre 2022, la Cour opère une distinction. La Cour précise ainsi que la Cour d’appel est compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir relevant de l’appel, et que le conseiller de la mise en état est compétent pour les fins de non-recevoir qui touchent à la procédure d’appel.

Or, selon la Cour de cassation, le moyen tiré de la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral ne relève pas de la régularité de la procédure applicable devant la Cour d’appel, saisie du recours en annulation de la sentence.  

Ainsi, en réponse à la seconde question, la Cour de cassation indique que s’agissant des recours en annulation de sentences arbitrales, « la fin de non-recevoir prévue à l’article 1466 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d’appel », et échappe donc à la compétence du conseiller de la mise en état.

Synthèse :

La Cour de cassation est d’avis que :

  • Le moyen de défense tiré de l’article 1466 du Code de procédure civile, qui tend à faire déclarer irrecevable le moyen d’annulation d’une sentence arbitrale, constitue une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du même code ; et
  • Cette fin de non-recevoir tirée de l’article 1466 du Code de procédure civile relève de la compétence de la Cour d’appel.

 

Mahau FRENKENBERG

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